Hier, Guillaume m’a citée à moi-même après avoir lu mon dernier substack.
« “La maternité n’est pas un thème”, pourtant, regarde ce que tu écris. »
C’est vrai que c’est une phrase que je lui ai déjà dite. J’ai beau « être mère », la manière dont la maternité est abordée me laisse étrangère au sujet. Quand je dis « je suis maman », ça me laisse une drôle de sensation.
On parle de la maternité comme un état, « être mère », alors que selon moi c’est un acte. « Mère » est un rôle, une fonction. On est une mère.
« Je suis la mère de cet enfant. »
Je propose d’y mettre une distance, une distance de bras. « Être mère » réduit, cantonne, fige, efface. « Être mère » entend un absolu. On n’est pas que mère; être est si total. Si « je suis », verbe copule1, « mère » par métonymie2, alors j’étouffe. Parce que les métonymies s’additionnent.
Je suis mère, amie, amante, collègue. C’est trop de choses à être. Je ne peux pas être autant attribuée. Quel espace me reste-t-il?
Je suis la mère de cet enfant.
Je suis l’amie de cette personne.
Je suis l’amante de mon partenaire.
Je suis la collègue de ma coéquipière.
Au fil des jours, je choisis d’occuper des rôles et pour les remplir, je dois accepter de m’acquitter des responsabilités qu’ils incombent.
Je suis l’amie : je prends des nouvelles, j’écoute, j’invite, je me confie, je passe du temps de qualité, j’aménage une place, un espace dans ma vie pour cette personne.
Je suis l’amante : je donne des gestes d’affection, je prends le risque de la vulnérabilité, j’exprime mon désir.
Je suis la conjointe : je me projette dans le futur, je nomme mes limites.
Je suis la collègue : je m’acquitte des tâches de mon mandat, je réfléchis à des manières d’améliorer notre efficacité, je travaille en équipe.
Être la mère n’est pas différent.
Je suis la mère : j’assure une veille et un maintien constant au bien-être physique, mental et émotif d’une autre personne, ce qui comprend la nourriture, l’hygiène, le sommeil, la propreté du logis et des effets personnels, le temps d’activité à l’extérieur, le divertissement, la stimulation, la gestion des émotions, la sociabilité, le civisme, l’empathie, la confiance en soi, l’estime de soi. C’est un rôle prenant, un rôle de tous les instants.
La maternité n’est pas un thème - le rapport à la maternité l’est.
*
Guillaume trouve mon récit de vie intéressant. Il dit que la manière dont je parle de la maternité me rend unique.
Je suis devenue une mère il y a bientôt 10 ans, et une mère moloparentale il y a bientôt 8 ans.
Lorsque mon fils est de retour à la maison, je m’acquitte de toutes les fonctions - je cuisine, je nettoie, je lave, je prépare, j’habille, je divertis, je planifie, j’écoute, je sermonne, j’encourage, j’affectionne, je pourvoie, j’administre, je négocie, je tergiverse, je me trompe, je m’énerve, je perds patience, je rassure, je couche, je borde, je souhaite bonne nuit beaux rêve je t’aime, je me couche, je recommence.
Ç’a pris un moment à accepter ce sens, ce rôle. C’est tellement de responsabilités que ça prend facilement toutes les heures actives, tout l’espace mental, toutes les plages horaires. J’ai dû accepter ce choix que j’ai fait pour trouver de la satisfaction dans l’accomplissement de cette fonction; un de mes rôles dans la vie, et c’est un rôle que j’ai choisi de remplir, c’est d’élever un être humain de la prochaine génération et de faire en sorte de lui inculquer des valeurs sociales, des habitudes de vie saines, l’amour de l’effort et de la delayed gratification, lui enseigner l’indignation et comment on fait le ménage et le lavage, lui apprendre à identifier ses limites et à les formuler, lui expliquer qu’il faut parfois se mettre à la place de l’autre quand on fait de la peine, lui enseigner à prendre ses responsabilités.
Avant, quand mon fils n’était pas là, ma vie faisait moins de sens. Le cadre que je lui procure m’est bénéfique; il me donne une raison d’agir, de poser des gestes au quotidien. Cette année, ses périodes d’absences sont moins pire. Je suis me sens moins perdue, je passe moins mon temps à me convaincre que je ne suis pas là pour lui.
C’est peut-être parce qu’il vieillit - après 10 ans, mes responsabilités de parent ont changé.
J’ai maintenant du temps pour être Ariane. J’ai repris le tricot, le piano. Je fais des menus travaux dans l’appartement, je lis, j’écris.
Je peux consacrer plus d’énergie à mes rôles d’amante, d’amie, de conjointe, de collègue. Après les années de dur labeur physique et émotionnel d’élever un jeune enfant, je retrouve devant des années de liberté. Je vois mon enfant grandir, devenir une personne rieuse, généreuse.
Mais il y a une chose qui ne changera jamais, qui n’évoluera pas.
« Maxence, j’aime vraiment ça, être ta maman. »
Verbe servant à relier l’attribut ou le complément au sujet.
Figure consistant à exprimer un sens au moyen d’un terme désignant un autre sens qui lui est lié par une relation nécessaire.
Bons points:) Se discutent dans plein de sens possibles aussi! Merci🙏