Par deux fois - il en est peu je sais - on m’a demandé à quel endroit on pouvait me lire. On m’a déjà sollicitée aussi pour soumettre des textes. Bien sûr, j’écris, mais quand on fait le souhait de me lire, je ne sais jamais quoi répondre.
Il me prend souvent l'envie d'écrire, mais depuis l'intérieur d'un cercle, depuis le centre d'une bulle, en évitant la paresse des mots « comme » et « chose », qui m'incitent, lorsqu'ils me viennent naturellement, à tout remettre en question. Et puis d’habitude, j’écris au trait de crayon. Lorsque « comme » et « chose » arrivent, je rature et je recommence. Il paraît que pour certaines poètes, c’est le mot « petit ».
L’avantage d’écrire - non pas pour soi-même, mais pour l’acte lui-même - sans être lue, c’est que ne pas savoir quoi dire ne pose jamais problème. C’est ma vision socratique de ma pratique : je n’ai aucune idée de quoi je parle. Tout de même, il faut bien starter la machine, alors j’ai donc une méthode.
Je commence toujours par dater mon entrée, formulation à l’européenne, 16.08.2023, à gauche juste sous les dernières lignes de l’entrée précédente. Ensuite, je commence par un détail physique, concret, de mon entourage immédiat. C’est le moment des banalités, du sommeil et de ses marques, du soleil et de son charme, du café et de son aura.
Ensuite, s’autoriser la colère et les ruminations; les combats depuis longtemps terminés, gagnés ou perdus. Les imaginaires sont les plus dangereux et sans doute ceux que je regrette le plus. Aujourd’hui je le sais, tout ce que j’écris d’imaginaire est mauvais, insipide, et aussi mièvre, même dans la violence. Chez moi, le domaine de l’imaginaire manquera peut-être un peu toujours de maturité.
Si je persiste dans le geste et que le muscle est bien huilé, et si j’ai la chance de ne pas être interrompue, alors après la trentaine de phrases de merde qui noircissent le papier - et qui n’ont que pour seule fonction ma satisfaction cartésienne de consommer toutes les pages d’un cahier - se place parfois un poème. Et ce poème, souvent, contient la somme du soleil et de ma colère, et le songe, qui ne prend sens que par une triangulation, révèle son secret.
Le rêve n’est jamais ce qu’il est. Le songe est le maître de la partie de vous-même qui vous trompe.
Ah, et sinon, il m’arrive d’écrire lors d’une lecture. Il n’y a rien de tel que d’être en train de lire un roman et d’attraper un moment, né derrière le front, qui nous crie « écris ».
Le visuel avec ce texte est 👌. (et le texte aussi, of course)
"Aujourd’hui je le sais, tout ce que j’écris d’imaginaire est mauvais, insipide, et aussi mièvre, même dans la violence. Chez moi, le domaine de l’imaginaire manquera peut-être un peu toujours de maturité."
Wow, je m'identifie beaucoup à ça.